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Journal des B.O de Cannes #5 : Jo Yeong-wook (Decision to Leave), Howard Shore (Crimes du Futur), Florencia Di Concilio (Les Cinq Diables)...

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par Benoit Basirico - Publié le 25-05-2022




Au menu de ces nouvelles B.O de Cannes : les cordes romantiques et nerveuses de Jo Yeong-wook dans "Decision to Leave", l'electro hypnotique de Howard Shore pour les expériences corporelles des "Crimes du Futur", les percussions étranges et vaudou de Florencia Di Concilio dans "Les Cinq Diables"...

Le coréen Park Chan-wook revient en grande forme en compétition avec "Decision to Leave", une enquête criminelle lors de laquelle le détective tombe sous le charme d'une femme soupçonnée. Resséré autour de son personnage, dans une forme plutôt classique, le film est efficace !  Le cinéaste retrouve son fidèle compositeur Jo Yeong-wook après "Oldboy" (2004), "Thirst, Ceci est mon sang" (2009), "Mademoiselle" (2016) et "The Little Drummer Girl" (2019). La partition renforce la dimension émotionnelle par ses cordes affirmées, tout en soutenant l'action par des synchronisations à l'image. Oscillant entre suspense et mélodrame, la musique rappelle le style de Pino Donaggio (pour De Palma - "Blow Out", "Dressed to Kill" - dans un même esprit hitchcockien). Au delà des émotions, le compositeur exprime aussi une certaine étrangeté par une instrumentation hybride (percussions, instruments à vent, guitare, harpe, piano). Par ailleurs, une chanson joue un rôle dans le récit, diffusée par un personnage sur son téléphone et reprise au générique, "Fog" de Jung Hoon Hee.

Autre cinéaste majeur à faire un retour en compétition avec "Les Crimes du Futur" (également sorti en salles), le canadien David Cronenberg revient à ses fondamentaux, avec une intrigue minimaliste, un univers de science-fiction, un travail sur le corps blessé, un zeste d'absurde, à mi-chemin entre "Crash", "Existenz", et "Le Festin nu". Il retrouve Howard Shore  7 ans après "Maps to the stars" (2014). La partition est de nature hypnotique, pour une pleine immersion. Electronique avec des cordes dissonantes, ce mélange convient bien aux expériences transhumanistes du film, l'organique se mêlant au digital. 

A la Quinzaine des Réalisateurs, Léa Mysius ne déçoit pas avec "Les Cinq Diables", film fantastique sur une jeune fille étrange et solitaire, Vicky, qui a le don de tracer l'origine de toutes les odeurs. On l'avait aimé sur "Ava" (2017) qui marquait sa rencontre avec Florencia Di Concilio, que l'on retrouve ici dans un autre registre. Après le violoncelle accompagnant la cécité progressive du personnage dans le premier film, la partition prolonge ici le sixième sens de l'enfant avec des percussions (presque vaudou ou chamanique) tout en soutenant un climat angoissant (entourant un lac de montagne isolé , dans une dimension de film d'horreur enrichie par des surgissements sonores). • Notre entretien de la compositrice et de la réalisatrice.

Toujours à la Quinzaine des Réalisateurs, Chloé Thévenin ("Arthur Rambo") fait la rencontre de Thomas Salvador sur le formidable "La Montagne", un exil en montagne, un bivouac en altitude,  une immersion fantastique, et une romance. Ses notes electroniques aériennes, amples, illustrent l'aspiration du personnage pour les sommets enneigés tout en convoquant la part invisible des sentiments et une présence celeste. • Notre entretien de la compositrice et du réalisateur.

Côté playlist de titres existants, dans "Les Amandiers" (Compétition) Valeria Bruni Tedeschi transmet avec jubilation les joies et tristesses de ses jeunes personnages, des comédiens qui passent le concours d'entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre, à la fin des années 80. Elle s'aide pour cela de divers emprunts musicaux, issus à la fois du classique (Liszt, Chopin, Bach, Scarlatti, Tchaikovsky) que de la chanson française des années 80 (Charles Aznavour, Daniel Balavoine, Rita Mitsouko). Un piano de Chopin en intermèdes soutient la dimension théâtrale, marquant le récit comme des chapitres. 

Une deception en Compétition avec "Les Nuits de Mashhad" de la part du réalisateur iranien Ali Abbasi que nous avions aimé sur l'étrange "Border" (2019). Sur ce film criminel consacré à un serial killer qui s'attaquait la nuit aux prostituées à Téhéran en 2011 il retrouve  le compositeur danois Martin Dirkov qui appuie au premier degré les scènes de crimes comme dans un film d'horreur, avec un oud dissonant (qualifié par le réalisateur comme une sensibilité "grunge iranienne"), une tension, et un motif insistant qui trace le parcours du tueur et le caratérise en mal absolu (un peu à la manière d'un Hannibal Lecter dans le Silence des Agneaux). 

 Une nouvelle BO d'un film de Cannes est disponible en digital : "The Woodcutter Story" (à la Semaine de la Critique), premier film finlandais de Mikko Myllylahti sur le quotidien de Pepe, un bûcheron dans un village finlandais. Jonas Struck propose une instrumentation singulière et variée, basée sur des sonorités percussives (pour évoquer le bois), des stridences (comme celle d'une scie en action), des cordes dissonantes, une guitare, un piano, et une formation vocale (du Theatre of Voices), pour une ambiance à la fois féérique et angoissante. 

" Pepes Theme" (Jonas Struck) dans "The Woodcutter Story" : 

"Fog" de Jung Hoon Hee dans "Decision to Leave" (Park Chan-wook ) : 

par Benoit Basirico

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